L’ordonnance électronique, un atout dans la résolution de la crise des opioïdes?

Par Tanya Achilles

Ici au Canada comme au sud de la frontière, des gens sont aux prises avec les effets graduellement dévastateurs qu’ont les opioïdes sur la personne, le réseau de la santé, les services sociaux et ailleurs. Les familles et les gouvernements cherchent à savoir qui est responsable de la crise que nous traversons et comment on pourrait parvenir à la résoudre.

L’ordonnance électronique, un atout dans la résolution de la crise des opioïdes?

Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les hospitalisations pour intoxication aux opioïdes ont fait un bond de 27 % entre 2013 et 2017; en moyenne, 17 personnes étaient hospitalisées pour cette raison chaque jour en 2017. Ce sont des chiffres troublants, mais il y a pire : l’Agence de la santé publique du Canada a révélé que 10 300 personnes sont présumément décédées d’une surdose d’opioïdes entre janvier 2016 et septembre 2018. Ce chiffre représente environ 10 décès attribuables à aux opioïdes chaque jour.

Trouver une solution à la crise des opioïdes n’est pas chose facile : il y a beaucoup de facteurs en jeu, et il faudrait apporter des changements à chaque point du continuum des soins. Médecins, pharmaciens, responsables du réseau de la santé, organismes de réglementation, organismes de santé publique et citoyens touchés, tous ont un rôle à jouer.

Inforoute Santé du Canada a récemment tenu une consultation auprès de patients et de prescripteurs possédant une expérience des opioïdes afin de comprendre leur point de vue. Il en est ressorti que 76 % des prescripteurs et 77 % des patients appuyaient le principe selon lequel l’ordonnance électronique devait être la seule option ou l’option de prédilection pour la prescription des opioïdes et croyaient que cette mesure pourrait aider à atténuer la crise des opioïdes.

Depuis toujours, le système d’ordonnance au pays fonctionne essentiellement à l’aide d’ordonnances papier, que les patients apportent à leur pharmacie. PrescripTIonMD est un service national d’ordonnances électroniques qui offre aux prescripteurs, aux pharmaciens et aux patients une option plus sûre et plus centrée sur le patient, qui fait partie du passage graduel aux outils de santé numériques au pays.

Grâce à l’ordonnance électronique, il est plus facile pour les médecins de prescrire à leurs patients de plus petites quantités d’opioïdes, sachant qu’ils pourront en prescrire d’autres à distance si le patient en a besoin. Ça peut sembler simple, mais c’est important. À l’heure actuelle, les médecins prescrivent souvent des quantités plus grandes d’opioïdes après une opération parce qu’ils craignent que les patients en manquent et ne puissent plus soulager leur douleur. Dans de nombreux foyers au Canada, les gens ont des restes d’opioïdes qui peuvent finir par être volés, mal utilisés ou même revendus.

Une étude réalisée en Ontario auprès d’élèves de la 7e à la 12e année a révélé que 21 % d’entre eux ont admis avoir déjà pris des opioïdes d’ordonnance sans raison médicale, et de ce nombre, 72 % ont déclaré les avoir trouvés à leur maison. Voilà un problème de taille, que la prescription par voie électronique de petites quantités d’opioïdes à la fois peut permettre de régler. Il est aussi plus facile d’annuler une ordonnance lorsque le médicament n’est plus nécessaire, ce qui réduit là encore le risque que le médicament soit mal utilisé.

L’ordonnance électronique améliore aussi les communications entre le prescripteur et le pharmacien. PrescripTIonMD leur permet d’échanger des messages sécurisés; ainsi, le pharmacien peut rapidement exprimer ses préoccupations au sujet de la posologie ou de la possibilité d’associations médicamenteuses dangereuses. Cette fonction prend toute son importance quand des opioïdes sont prescrits par inadvertance en même temps que des benzodiazépines, des médicaments fréquemment prescrits contre l’anxiété, l’insomnie ou l’épilepsie. Cette combinaison mortelle a été à l’origine de 50 des 82 décès attribuables aux opioïdes survenus au Nouveau-Brunswick au cours des trois dernières années.

En plus d’être utile pour les soins des patients et leurs résultats thérapeutiques, l’ordonnance électronique peut réduire les erreurs d’inattention, la falsification et la fraude. Même si cet outil ne va pas éliminer totalement l’utilisation illicite des opioïdes, on peut dire qu’il constitue un pas dans la bonne direction.

Selon la consultation, les médecins et les patients sont tout à fait d’accord pour que les médecins reçoivent un avertissement lorsqu’ils prescrivent des opioïdes à l’aide de l’ordonnance électronique. PrescripTIonMD pourrait afficher un avertissement si l’ordonnance d’opioïdes s’écarte des recommandations figurant dans les lignes directrices sur la prescription des opioïdes.

Pour être marquant, un changement doit s’inspirer des idées et de l’engagement sans faille des intervenants. Le changement du mode de prescription des opioïdes et la plus grande sécurité qui en résulte représentent un grand pas en avant.


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À propos de l'auteur
Tanya Achilles

Tanya Achilles

Tanya Achilles est directrice, Services des médicaments, PrescripTIonMD. À ce titre, elle dirige le développement et l’implantation du Répertoire canadien des médicaments qui appuie PrescripTIonMD, le service national d’ordonnances électroniques du Canada. Mme Achilles est titulaire d’un baccalauréat en pharmacie et d’une maîtrise en administration des affaires.